PLAY BY THE RULES

Je ne sais ce qui m’avait pris tout à coup de l’inviter à me rejoindre le lendemain matin, mais une chose est certaine, maintenant je le regrettais amèrement. Je n’avais aucun numéro, aucune façon de lui communiquer que j’annulais tout, les ponts étaient complètement coupés sur ce satané bateau. Sans doute que sur le coup je l’avais voulu, que sa compagnie avait été désirée, mais je sais maintenant que je n’arrivais plus à penser en sa présence. J’arrivais à résister d’ordinaire, mais là c’était complètement différent. Ce sentiment étrange qui me submergeait quand elle avait le malheur de poser les yeux sur moi… je préférais ne plus y penser. Je l’ai rencontré hier soir, elle était assise au bar et moi je l’avais rejoint en toute innocence. Puis elle a ouvert la bouche et je lui ai répondu, la conversation n’avait jamais aussi facilement coulée, j’en avais oublié l’heure, le jour, où j’étais. Puis quand minuit a sonné j’ai dû prétendre être fatigué pour me libérer, bien que j’appréciais sa compagnie, je devais suivre les règles. Dans un moment de faiblesse, toujours, je l’avais invitée pour le lendemain, comme si nous étions déjà inséparables. Le rendez-vous était à dix heures à ma suite, sur le coup je n’avais rien trouvé de mieux, car je ne connaissais pas encore assez bien le bateau.

La nuit avait été mouvementée, c’était ses médicaments qui troublaient mon sommeil. J’haïssais dormir seul, ça laissait toujours place aux songes et quand je pensais, je pensais toujours à la même chose, ma mort. C’était toujours le même scénario, je me remémorais mes règles, me jurais de ne jamais tomber amoureux et puis je finissais par me consoler de ma solitude en m’assommant avec une autre couche de narcotiques, mes antidépresseurs. Ma table de chevet était inondée de boites de toutes sortes, des centaines de pilules y gisaient et chacune allaient finir dans mon système assurément. C’était devenu ma vie maintenant, je n’avais jamais faim, je n’avais jamais de plaisir trop démesuré, je ne pouvais pas boire, pas me suralimenter de sucre, pas manger trop gras, plus d’acide, de vitamine, de caféine… ma vie était un enfer, mais je devais suivre toutes les règles pour continuer d’y vivre le plus longtemps possible, le meilleur des deux monde quoi… Bref assez chialer sur ma pitoyable vie, en regardant ma montre je déglutis en m’apercevant que l’heure y est presque. Je bondis de mon lit et enfile un bermuda en jeans et une camisole dans les mêmes teintes, il fait tellement chaud sur ce paquebot que l’ensemble est de mise. Je regarde l’heure à nouveau, elle devrait déjà être là et comme de mise les toc toc fusent et mon cœur cesse de battre. Je file dans la salle de bain pour prendre ma brosse à dent j’y applique de la patte à dent et commence le brossage en vitesse. Je retourne dans la pièce principale et file ouvrir la porte, entre mes lèvres je tente de marmonner quelques mots;

« J’arrive, minute. » Puis sans l’inviter à entrer, car je refuse qu’elle voit mon désordre je lui referme la porte au nez. Quel gentlemen mon Jay! Je dépose ma brosse, me rince la bouche puis je retourne fin près la rejoindre. J’entre-ouvre la porte.

« Je suis vraiment désolé. » Et me glisse dans l’espace ouvert sans jamais lui laisser voir l’intérieur de la suite. Je relève les yeux sur elle, bon sang, elle est encore plus belle que la veille. Je ne sais ce qui m’a pris ensuite d’agir ainsi, mais je sais que si j’avais pu le retenir je l’aurais certainement fait. Sans grâce, demande ou même délicatesse, mes lèvres s’imposent aux siennes. Il me faut bien deux secondes avant de me reculer, je suis complètement ailleurs. Je baisse la tête aussitôt, pas que je sois gêné, mais que j’ai peur de sa réaction. Je me recule un peu, mon dos frappe la porte.

« Je ne voulais pas faire ça, désolé. » Pour la deuxième fois aujourd’hui j’avais à le faire. Quand je disais que je perdais mes moyens devant elle ce n’était pas une blague. Je relevai le menton, prêt à recevoir la claque, peu importe. J’ouvre la bouche avant qu’elle ne puisse le faire.

« Promet moi une chose. » Je m’approche à nouveau d’elle, parce que j’insiste pour qu’elle soit absolument la seule à entendre ma requête. Je baisse le ton jusqu’à ne devenir qu’un murmure. « Promet moi que tu ne tomberas jamais amoureuse de moi. »

«Tu sais que j’adore quand tu m’appelles chérie …» Elle m’arracha un sourire, le surnom lui allait bien, j’étais ravie de le lui consacrer. Elle me tira jusqu’à la piscine où je refusais d’avance d’y plonger, sans maillot, puis elle me dit que nous semblions observé. Ses mains glissèrent sous mon chandail, ne me laissant pas le temps de réagir, j’avais déjà perdu un morceau de linge, ma peau sous ses doigts, recouverte de sillon brûlant. Elle me rendait fou. Après avoir sondé la pièce, des hommes, des femmes, des adolescentes, tous ces yeux posés sur nous, plutôt sur elle. Son oreille à mes lèvres je lui expliquai mon point de vue, elle rectifia ensuite. Elle m’embrassa la joue, me torturant toujours un peu plus. «Ne t’inquiète pas tu fais ton effet aussi mon petit cœur, je ne m’inquiètes pas pour ta popularité mais c’est vrais que j’ai un peu peur de te laisser seul, je suis comment dire un peu jalouse ...» Je me retins pour rire, elle avait réellement tout pour elle.

«Et toi tu sais que j’adore quand tu m’appelles ‘’petit cœur’’?» Je chuchotais toujours, je détestais déjà l’attention, je ne voulais pas en plus qu’ils soient témoin de ce que je lui disais. «Sinon aucune raison d’être jalouse…» Je m’approchai de ses lèvres, sourire aux lèvres. « Et puis ce n’est pas comme si nous étions exclusifs chérie… ni même un couple pour tout dire.» Je me reculai rapidement, ne pouvant retenir mon rire cette fois. Je me surpris à aimer l’idée du couple, mais très vite je chassai ses pensées, c’était assez facile quand on se perdait constamment dans ses océans qu’elle avait pour yeux. Elle me prit la main ou m’obligea à lui toucher le bas du dos, ayant pu, j’aurais sans doute préféré ne pas savoir que sa peau était si douce… qu’un détail de plus à oublier pour ne pas craquer. «Ici c’est mon préféré je l’ai fait à mes 16 ans il est un peu personnel, et celui-là c’est une phrase en latin à toi de savoir la déchiffrer.» J’observai le tatoo quelques secondes encore avant de faire ma première hypothèse.

«Tu ne le savais peut-être pas, mais je sais parler le latin chérie. Oh oui. C’est simple, ça dit ‘’Propriété de Jeremiah Stanhope’’.» Mon doigt glissait sur sa peau à mesure que j’insinuais lire les mots. Avant qu’elle ne puisse me répondre je fus demi tours et retournai à la chaise en décrétant que je ne voulais pas me baigner. Elle plongea dans l’eau au moment où je m’asseyais et je ne la quittai plus des yeux. Elle nagea jusqu’aux marches et s’y assis, m’envoya la main et je lui répondis d’un clin d’œil. Une femme se mit devant moi, me coupant le contact avec Savannah, je relevai la tête, c’était une blonde, assez élancée, je la rencontrais pour la première fois aujourd’hui. « Je suis Alicia.» J’arquai les sourcils, n’avait-elle pas vue que j’étais accompagné? Je me levai, trop intimidé par sa grandeur, debout, mon menton lui arrivait au nez, c’était beaucoup mieux.

«Enchantée Alicia, vous m’excuserez, en un temps pareil, la chaleur est simplement insupportable. Un autre jour peut-être.» Mais il n’y aurait jamais d’autres jours. Elle ne savait rien, ni mon nom, ni mon numéro de chambre. Je m’approchai du rebord de la piscine pour la rejoindre je me faufilai dans son dos, l’encadrant de mes jambes alors que je m’asseyais. Mes jambes complètement immaculées d’eau. Je glissai à nouveau ma tête dans son cou, murmurant;

«Tu m’as presque manqué.» C’était presque vrai, sans elle il me semblait me sentir si seul… mauvais signe.