Le 13 mars 1989 naquit une petite fille, l'aînée et l'unique d'ailleurs de la famille, à Montreal, Canada. Cette petite fille, c'était moi - Eliana Céleste Montgomery, fille d'un père professeur et d'une mère pharmacienne. Comme vous vous en doutez en voyant les professions de mes parents, nous n'avons jamais été riche. Mais je n'ai au fond jamais manqué de rien. Mes parents m'avaient toujours appris les choses qui étaient essentielles, les valeurs telles que la loyauté; la générosité; l'honnêteté et j'en passe. J'avais l'amour et le soutien de ma famille et c'était tout ce à quoi je pouvais aspirer de mieux. On dit que l'on est riche que de ses amis et je vous avoue que c'est bien vrai. Au passage, je ne voudrais pas vous donner une leçon de morale mais ne prenez jamais rien comme étant acquis et profitez de ce que vous possédez tant qu'il en est encore temps car je vous rappelle que l'on ne remarque la valeur et l'importance qu'a une chose ou une personne à nos yeux qu'une fois qu'elle a été perdue. Tentez de vous en souvenir avant qu'il ne soit trop tard. A ce moment là de ma vie, j'ignorais encore ce détail mais de nombreuses années plus tard, j'allais apprendre cette leçon à mes dépens.

J'étais une petite fille joyeuse et pleine de vie qui a commencé à danser à l'âge de quatre ans. Comme j'étais leur seul enfant, mes parents ont toujours fait en sorte que je puisse pratiquer une activité sportive à l'extérieur de l'école. J'adorais la danse mais j'avais l'impression qu'il me manquait quelque chose. Je ne le découvris pas tout de suite. Je ne découvris ce détail qu'à l'âge de six ans, lorsque je fis mes premiers pas sur la glace. Je débutais et ce fut mes parents qui m'apprirent à patiner. En rentrant ce jour là de plusieurs heures de patinage, j'exposai à mes parents ce qui me posait problème et je leur expliquai que je voulais patiner comme ceux que l'on voit à la télé. J'avais six ans alors évidement, ça paraissait tellement simple pour moi. Mes parents, à ma plus grande surprise, se mirent à sourire et dés le lendemain se mirent à chercher un club de patinage artistique pour les enfants de mon âge. Je l'ai ensuite pratiqué tout le reste de ma vie.

Une enfance heureuse, une famille présente, des amis géniaux, un petit copain attentionné et une passion qui était devenu mon métier. Oui, vous avez bien entendu. Enfin, je devrais plutôt dire lu. J'avais tout pour moi. J'étais une championne de patinage, mes parents ne m'avaient jamais lâchée et mon petit ami me suivait partout pour mes compétitions qui parfois se déroulaient dans des pays étrangers. Mes parents ne venaient pas toujours à cause de leur métier et je comprenais cela parfaitement. Ils ne pouvaient pas se le permettre. Mes amis aussi se déplaçaient parfois, quand ce n'était pas trop loin ou s'ils étaient disponibles. Jamais je n'aurais voulu à qui que ce soit de ne pas m'accompagner car je savais que chacun avait ses obligations. Ils avaient les leurs. J'avais les miennes. C'était naturel.

Vous vous demandez quel est le rapport avec le titre de cette seconde partie? C'est bien simple. Un jour, tout a basculé. C'était il y a un an. J'avais une compétition en France et mon petit ami était le seul à m'avoir accompagné. C'était en pleine saison scolaire, pratique que j'avais déjà laissé tombé depuis environ six années. J'étais prête. Je connaissais ma chorégraphie libre et longue par coeur. C'était l'épreuve la plus dure car elle était jugé la plus sévèrement vu qu'elle venait de nous-même. La veille, j'avais très bien réussis l'épreuve courte dont les figures étaient imposées par le jury. J'aurais du réussir cette seconde épreuve également. Sauf que je cherchais mon petit-ami avant mon tour de passage et je le surpris en train d'embrasser une autre fille, candidate au titre elle-aussi. Ce fut le début de mon calvaire. L'enfer venait de commencer pour une jeune femme qui avait connu le paradis sur terre et un bonheur sans faille: moi. Je compris à ce moment là à quel point il était important à mes yeux. Je perdis la première chose d'une longue liste qui allait suivre très rapidement. Ils me virent. Celui qui en l'espace de quelques secondes était devenu mon ex avait tenté de m'expliquer, de s'excuser ou que sais-je encore. Mais je ne lui en laissai pas l'occasion. J'avais vu ce sourire de winner sur le visage de cette garce et jamais plus je ne pourrais l'oublier. J'étais partis en courant pour aller enfiler mes patins et monter sur la glace alors que l'on m'appelait.

Monter sur la patinoire dans l'état dans lequel j'étais? C'était de la folie. Mais c'était à mon tour et je n'avais pas envie de faire quoi que ce soit d'autre. Je voulais juste ne plus faire qu'un avec ce qui était devenu au fil des années mon élément, le seul dans lequel je pouvais laisser libre court à moi-même, m'autoriser à m'exprimer comme jamais. Car au fond, personne ne comprendrait pourquoi je faisais telle ou telle figure, ce que je tentais de montrer. C'était personnel et mystérieux. Magnifique et incompréhensible à la fois. C'était ça, le patinage. Ce n'était pas un simple sport. Non, c'était un art à part entière même si rares étaient les personnes à l'avouer et à le revendiquer. Je commençai mon enchaînement comme c'était prévu. Puis au bout d'un moment, j'improvisai. Je laissai mon corps, mes jambes me guider où ils le désiraient. C'était comme si mon esprit n'avait plus rien à dire. Je ne contrôlais plus rien. J'étais physiquement présente mais mon esprit était totalement ailleurs, simplement ailleurs. Mentalement, je n'étais plus sur cette patinoire mais j'étais au même endroit que quelques instants avant. Je revis le visage de cette femme, de cette concurrente. Elle m'avait peut-être pris mon petit-ami mais elle ne prendrait pas ma médaille. Je tentai ce que peu de patineurs savaient faire: un triple axel. Le premier triple axel a été réalisé par Vern Taylor, un patineur canadien, aux championnats du monde de 1978. Cette figure est assez fréquemment réussie auprès des hommes mais concernant les femmes, seules cinq l'ont réussis jusqu'à présent dans une compétition internationale. Nous étions à l'une d'entre elles et je venais de le tenter. Sauf que je tombai. Je tombai comme une mouche sur le sol de glace.

Je venais de me fracturer violemment la cheville. Le silence s'était fait dans l'assemblée. Tout le monde s'était levé et les médecins s'étaient précipités pour me ramener à l'infirmerie. Mon entraîneur me fit tout un sermon sur l'importance de respecter les chorégraphies que l'ont fixait. Le jury ne savait pas que je ne l'avais pas respectée car ils ne savaient pas les chorégraphies à l'avance. Le médecin m'annonça que la patinage à haut niveau était finis pour moi. Je ne savais pas pourquoi j'avais pris un tel risque. Je l'avais fais, et c'était ainsi. J'avais à présent perdu mon amoureux et ma passion, sans doute mes deux seules raisons de vivre. Je suis retourner à Montreal, la compétition finie...

J'étais retournée au Canada, sans plus rien. Non, je m'étais pas mise à me droguer ni à boire pour oublier l'humiliation que je m'étais moi-même infligée. J'ai simplement passé mon temps à déprimer. Je passais mes journées au lit. Je ne voulais pas en sortir. Je prenais mes médicaments pour soulager la douleur qui se faisait encore assez intense dans ma cheville et je restais couchée. La seule chose que je faisais, c'était écrire. J'écrivais dans un journal intime tout ce que je ressentais mais ce n'était pas un véritable journal. Je ne le tenais pas en y mettant une date ou quoi que ce soit. C'était une succession de textes, relatant mes sentiments, mes peines, mes angoisses, ce que j'avais perdu et comment je me sentais maintenant que plus rien n'avait de sens, maintenant que j'avais cette atroce impression de ne plus avoir ma place sur cette Terre. Car oui, je pensais être née pour être une championne. Mais maintenant que je ne pouvais plus pratiquer à haut niveau, à quoi servais-je encore? Quel était encore mon but ici? Où était ma place?

Mes parents ne supportaient plus de me voir comme ça. J'aurais pu me lever et rechausser mes patins et retourner sur la glace. J'aurais pu me battre, ça aurait bien été mon genre. Mais je n'en avais pas le courage. Ils firent appel à ma meilleure amie qui vint me sortir de là. Elle me força, elle me sortit de mon lit. Elle me fit marcher dans Montreal, respirer l'air frais et me parla pour me motiver à faire autre chose de ma vie, me disant qu'il y avait des tas d'autres choses que je pourrais accomplir si je le voulais, au lieu de rester bêtement dans mon lit, la plupart du temps avec pour seule lumière ma lampe de chevet et pour seule compagnie la musique et l'écriture. Nous nous étions isolées et ce fut elle ma première expérience lesbienne. Je l'avais embrassée. Ne me demandez pas pourquoi j'avais fait ça. Elle me poussa à oublier le patinage. Puis elle partit. Non, elle n'avait pas déménager. Elle était décédée suite à une leucémie incurable. Elle m'avait appris à sortir de mon monde, à m'ouvrir aux autres et je lui avais offert la chance d'être heureuse jusqu'à la fin de sa vie. Elle ne m'avait rien dit quant à sa maladie. Je ne l'appris qu'une fois qu'il était trop tard. Elle avait tellement bien su me cacher ça pour ne pas gâcher notre relation... Au départ, j'avais beaucoup souffert de sa cachotterie et je lui en avais voulu. Mais au final, j'avais parlé avec ses parents et ils m'avaient expliqué les raisons de ce choix et je compris. J'étais triste mais aussi heureuse d'avoir pu lui offrir la possibilité de connaître l'amour. Elle avait toujours été attirée par les femmes mais n'avait jamais eu de petite amie. J'avais été sa première et unique... Notre relation n'avait duré que peu de temps, quelques semaines à peine, mais je ne regrettais rien. Elle m'avait sortie de ma misère et ce fut pour elle que je me mis à vivre ma vie.

J'aurais pu finir mon histoire ici en vous disant que j'avais finis par trouver quoi faire de ma vie, en vous informant que j'avais trouvé l'amour mais tout cela serait trop simple n'est-ce-pas? Après tout, les fins sont les plus difficiles à écrire alors pourquoi se fatiguer? Laissons libre court à l'imagination et à l'avenir. Car si les fins étaient si dur à écrire, c'était peut-être parce qu'en réalité, il n'en existe jamais vraiment une qui est véritable, tout bonnement. Il y aura toujours une suite à votre histoire, que vous le vouliez ou non. Alors je vais finir mon histoire, sans réellement la finir.

J'avais repris peu à peu goût à la fin, malgré le décès de cette femme qui de meilleure amie était devenue ma petite amie. J'avais découvert grâce à elle que j'étais bi. Cependant, bien une attirance pour les femmes que je ne pouvais aucunement nier, j'étais plus attirée par les hommes que par les femmes. J'avais vu un jour une affiche pour ce fameux projet Paradise là. J'avais pas relevé. Mais avec la perte d'un nouvel être cher, je décidai simplement de reprendre ma vie au départ. Plus de patinage pendant un an, plus de pensées néfastes, plus de trahisons... Quoi que, je disais ça, mais un an sur un bateau, ça en laissait des possibilités vous ne pensez pas? Je finis par me décider et par embarquer avec l'argent que j'avais grâce au patinage. Et j'allais en profiter non seulement pour oublier, prendre soin de moi mais également pour écrire...

Ce n'est pas vraiment une fin, je vous l'avais bien dit. A vous de m'aider à écrire la suite maintenant.